RAPPORT N° DEF/2016/197
CONSEIL DEPARTEMENTAL
Réunion du 13 juin 2016
OBJET :
"Entrée dans la Vie Adulte" (EVA) : de nouvelles modalités pour des jeunes majeurs
accompagnés par l'Aide Sociale à l'Enfance.
Dans la délibération cadre du 17 décembre 2015 relative à la prévention et la protection de l’enfance, le
Département du Nord fixe pour objectif de construire un parcours d’autonomie pour chaque jeune confié
à l’ASE pendant sa minorité.
Le Département souhaite s’engager sur l’ensemble des dimensions de l’autonomie : affective, sociale,
professionnelle…, afin d’accompagner les jeunes vers une autonomie réelle à leur majorité.
La démarche engagée s’inscrit dans les travaux menés par l’ONED, qui précise que l’autonomie des
jeunes sortant des dispositifs de protection de l’enfance est un « processus général d’émancipation qui
comprend une dimension économique, mais aussi et surtout une dimension sociale et affective. Ce constat
est d’autant plus problématique que les jeunes majeurs, dépourvus de soutien familial, sont souvent
particulièrement fragiles. Ces développements appellent à ne pas négliger les connaissances liées à
la théorie de l’attachement, dans la prise en charge des jeunes sortant du dispositif de protection de
l’enfance».
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant prévoit l’élaboration d’un protocole entre le
Département, la Région et l’Etat favorisant l’accès à l’autonomie des jeunes majeurs sortant de l’Aide
Sociale à l’Enfance. Le Département souhaite lancer cette démarche dans le Nord où les enjeux sont
particulièrement forts, afin de mobiliser l’ensemble des dispositifs de droit commun en faveur des jeunes
majeurs, la protection de l’enfance étant l’affaire de tous.
En décembre 2015, 1 400 jeunes majeurs (18-21ans) bénéficient d’un accueil provisoire jeune majeur
(APJM) dans le Nord. La grande majorité d’entre eux (plus de 60 %) est toujours accueillie dans le
dispositif d’hébergement de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) : Maisons d’Enfants à Caractère Social
(MECS) et assistants familiaux.
Fort de ce constat, le Département souhaite mieux préparer les jeunes majeurs à l’autonomie, afin qu’ils
puissent à 18 ans accéder à l’autonomie, se concrétisant par un parcours d’insertion solide et par l’accès à
un logement autonome. C’est pourquoi l’accès à la majorité doit être anticipée et préparée avec le jeune,
dans une logique de parcours global, et dans le cadre d’un accompagnement qui peut être poursuivit
jusqu’à 21 ans.
L’accès à l’autonomie doit être considéré comme un parcours qui se construit progressivement dès 16
ans pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.
Le Département souhaite particulièrement accompagner le passage à la majorité à partir de 16 ans.
L’enjeu est bien d’anticiper et accompagner les changements liés à la majorité dans une logique
préventive afin d’éviter toute situation de rupture dans les parcours.
Pour cela, Le Département souhaite doter les professionnels d’outils innovants permettant d’évaluer
l’autonomie et de personnaliser les accompagnements. Une boîte à outils sera mise à la disposition
des travailleurs sociaux leur permettant de guider les assistants familiaux dans l’accompagnement des
jeunes vers l’autonomie. Un travail étroit sera également mené avec les établissements de protection de
l’enfance. Cette boîte à outils permettra aux professionnels qui interviennent auprès du jeune de disposer
de toute la palette de réponses facilitant son insertion (logement, formation, ressources partenariales,
dispositifs portés par l’Etat, etc.), ainsi que d’une grille d’auto-évaluation de l’autonomie en direction
du jeune lui-même. Par ailleurs, des actions collectives pourront également être menées dès les 16 ans
du jeune.
Dans le cas d’un hébergement au sein d’un établissement de protection de l’enfance, des modalités
d’hébergement plus souples en diffus ou en collectif pourront être mobilisées à partir de 16 ans, elles
permettront aux jeunes de préparer l’accès au logement autonome à 18 ans dans les meilleures conditions.
A 17 ans, conformément à la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, le jeune sera reçu
par le représentant du Département sur le territoire, garant du projet d’autonomie, afin de l’informer des
modalités d’accompagnement qui pourront être mise en place après la majorité, et de ses droits et devoirs.
Aux 18 ans du jeune, un changement de référent aura lieu, afin de marquer le passage à la majorité
et d’adapter concrètement les modalités d’accompagnement. Le jeune majeur n’est plus un mineur
à protéger, avec essentiellement une dimension éducative, mais un adulte en devenir, qu’il faut
accompagner globalement et en lien avec les ressources et partenariats locaux : éducation, insertion
sociale et professionnelle, etc. Au sein des Unités Territoriales de Protection et d’Action Sociale, des
référents jeunes majeurs seront identifiés, ils pourront accompagner de façon individuelle et collective ces
jeunes majeurs grâce à leur connaissance des ressources territoriales et des dispositifs de droit commun.
Les jeunes les plus fragiles, notamment en situation de handicap, seront accompagnés de façon adaptée
à leurs problématiques spécifiques.
Un nouveau cadre d’intervention pour les jeunes majeurs sortant de l’Aide sociale à l’enfance
Conformément à l’article L 221-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), l’accompagnement
des jeunes majeurs par l’Aide Sociale à l’Enfance s’adresse aux jeunes «
confrontés à des difficultés
familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre » c'est-à-dire
ceux relevant d’une mesure de protection de l’enfance.
Lorsque les difficultés rencontrées par le jeune relèvent de l’insertion et/ou du logement, il relève de
la compétence de l’Etat, de la Garantie Jeunes et du droit commun. Dans ce cas de figure, la situation
du jeune pourra par exemple faire l’objet d’un examen dans le cadre des commissions techniques du
FDAJ (Fonds Départemental d’Aide aux Jeunes), de la Garantie Jeunes, d’un accès au Fonds Solidarité
Logement (FSL).
Le Département met en place un nouveau cadre d’intervention pour les jeunes majeurs qui pourront être
accompagnés par l’ASE : le contrat « Entrée dans la Vie Adulte », qui pourra être signé par le jeune à
ses 18 ans, ainsi que par le représentant du Département. Le Contrat devra mettre en évidence un projet
d’insertion sociale et professionnelle réaliste et durable, sur lequel le jeune engage sa responsabilité.
Ce contrat stipulera de façon détaillée les objectifs de l’accompagnement et les engagements du jeune
dans sa démarche d’autonomie. Le respect du contrat et sa bonne mise en œuvre conditionneront son
renouvellement.
Dans le cadre de ce contrat, trois modalités d’intervention seront désormais possibles :
- Un accompagnement exclusivement éducatif, pour les jeunes disposant de ressources et d’un
logement, mais ayant besoin d’un soutien de la part des services du Département, au regard de leur
parcours à l’aide sociale à l’enfance pendant leur minorité.
- Une aide à domicile conformément à l’article L222-2 du CASF. Celle-ci «
peut être accordée aux
mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans, confrontés à des difficultés
sociales ». Elle garantit des ressources et un accompagnement renforcé aux jeunes ayant accédé au
logement autonome et en parcours d’insertion (scolarité, formation, Garantie jeune, etc.), mais ne
bénéficiant pas de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins. En parallèle, l’obligation
alimentaire pourra être sollicitée selon la situation familiale du jeune majeur. Le montant de l’aide
octroyée par le Département sera fonction de la situation du jeune, avec un montant maximal de 565€
par mois, soit le montant de l’allocation jeune majeur actuellement en vigueur.
- Un accueil provisoire jeune majeur réservé aux jeunes majeurs les plus fragiles, confrontés à des
difficultés éducatives majeures. Il permettra de prolonger temporairement l’hébergement en MECS
ou chez un assistant familial au-delà de 18 ans. L’objectif est de permettre la poursuite du projet
engagé pendant la minorité du jeune, dans une logique de continuité de parcours. Il s’agit d’une
intervention dérogatoire et transitoire lorsque le projet d’accès au logement ou à un établissement
spécialisé n’est pas encore opérationnel, ou conformément à la loi afin que le jeune puisse terminer
l’année scolaire entamée.
Dans une logique de parcours, l’objectif est bien que les jeunes majeurs puissent à terme sortir des
dispositifs d’aide à sociale à l’enfance, et accéder au droit commun, comme tout jeune, gage de
l’aboutissement de leur parcours d’autonomie.
Un nouveau référentiel « Entrée dans la Vie Adulte » sera diffusé à l’ensemble des professionnels du
Département afin de préciser ces nouvelles modalités d’intervention.
Promouvoir l’égalité des chances des jeunes majeurs confiés à l’ASE pendant leur minorité
· Sur le champ de la qualification et de l’accès à l’emploi
Les études menées sur le plan national font état du retard scolaire des jeunes sortant de la protection
de l’enfance (Rapport de la DREES de 2013 «
Echec et retard scolaire des enfants hébergés par l’aide
sociale à l’enfance ». Le Département souhaite soutenir le parcours de réussite des jeunes sortant de
l’ASE. En 2015, 97 jeunes majeurs bénéficiant d’un APJM étaient en études supérieures. Jusqu’à présent,
ces jeunes ne bénéficient pas systématiquement de la bourse du CROUS, l’allocation versée par le
Département étant considérée comme une ressource. Le Département souhaite faire valoir l’accès au
droit commun afin que ces jeunes accèdent en priorité aux aides du CROUS, comme tout autre jeune,
et afin de soutenir ces parcours de réussite, il pourra se donner la possibilité de leur verser une bourse
complémentaire de 200€ par mois. Un règlement spécifique sera élaboré afin de préciser les conditions
d’octroi de cette aide volontariste, ayant pour vocation de valoriser les parcours de réussite.
Au travers de sa compétence d’action sociale en particulier en matière de prévention et d’insertion des
jeunes, le Département soutient un réseau d’acteurs pouvant être mobilisé. Ainsi, les référents jeunes
majeurs pourront s’appuyer sur les missions locales, ou encore les clubs de prévention en fonction des
besoins et des parcours des jeunes.
En particulier pour le public non scolarisé, sans emploi, ni formation, la mission locale sera l’interlocuteur
privilégié pouvant orienter et accompagner le jeune vers les dispositifs d’insertion existants tels que :
la garantie jeunes, l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes, le service civique, etc. Cela permettra au jeune
d’assurer son insertion professionnelle, nécessaire à l’accès au logement autonome.
· Sur le champ de l’accès au logement
Le Département souhaite mettre en œuvre des solutions concrètes de logement pour les jeunes majeurs.
Tout d’abord, il mobilisera les structures d’accompagnement à la recherche et à l’entrée dans un logement
autonome, qui aujourd’hui sont soutenues au titre de la politique dédiée au logement des jeunes, et dans le
cadre du Fonds de Solidarité Logement, pour qu’elles puissent soutenir le parcours logement des jeunes
majeurs.
Le Département souhaite mettre en œuvre un parcours résidentiel adapté à la situation individuelle de
chaque jeune. Les jeunes les plus autonomes seront orientés vers le parc social. Ce public est considéré
comme public prioritaire du PDALPD. La demande de logement social sera réalisée systématiquement
aux 18 ans du jeune.
Partenord Habitat sera le bailleur mobilisé en priorité pour favoriser l’entrée dans le logement social des
jeunes majeurs. Un avenant à la convention signée entre le Département et Partenord Habitat permettra
de mettre l’accent sur l’accès au parc social des jeunes majeurs sortant de l’ASE.
L’offre de logement social sera mobilisée pour les jeunes disposant de ressources, condition examinée
par la commission d’attribution du logement. Pour ces jeunes, le Fond solidarité logement et les aides
« loca pass » pourront être utilisées.
Pour les jeunes ne disposant pas de ressources mais en parcours d’insertion, le Département souhaite
mettre en place un dispositif expérimental. Celui-ci reposera notamment sur la mise en place d’une
garantie de loyer spécifique jeune majeur. Le jeune fera l’objet d’un accompagnement renforcé lors
de l’entrée dans le logement. Les acteurs associatifs pourront être mobilisés pour faciliter cet accès
et le maintien dans le logement social. Le Département souhaite également engager un travail sur la
constitution d’un « pécule » pour faciliter l’entrée dans le logement. Ces dispositions feront l’objet d’une
délibération future présentée en Commission permanente du Conseil Départemental.
La loi du 14 mars 2016 insère dans le code de la sécurité sociale le principe selon lequel l‘allocation
de rentrée scolaire (ARS) ou de l’allocation différentielle due pour un enfant confié à l’ASE sera versé
sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à sa majorité. Il pourra de ce fait
en disposer dès 18 ans.
Une expérimentation avec Partenord sera menée dès le second semestre 2016 pour la mise à disposition
de logements destinés à des jeunes sortant de l’ASE et ayant intégré le dispositif de garantie jeunes. Elle
sera évaluée puis étendue à d’autres situations et éventuellement à d’autres bailleurs volontaires.
Pour les jeunes en parcours d’insertion, les Résidences Habitat Jeune seront également davantage
mobilisées. Un protocole d’accord entre l’Union Départementale pour l’habitat des jeunes (UDHAJ) et
le Département sera signé en 2016. Dans ce document, seront intégrées des propositions afin de faciliter
l’accès aux Résidences Habitat Jeunes des jeunes majeurs sortant de l’ASE.
Concernant les jeunes scolarisés et étudiants, le Département souhaite également explorer des solutions
innovantes (par exemple les projets de colocations solidaires), en partenariat notamment avec le CROUS.
Le Département veillera enfin à ce qu’un accès facilité aux établissements spécialisés soit réservé aux
jeunes majeurs en situation de handicap.
Compte tenu de l’intérêt de la mise en œuvre du nouveau dispositif « Entrée dans la Vie Adulte » relatif
à l’accompagnement des jeunes majeurs, je propose au Conseil départemental :
- d’adopter les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif « Entrée dans la Vie Adulte ».
Le Président du Conseil Départemental
Jean-René LECERF