Rapport présenté en séance plénière le 30 janvier 2025
Projet de recommandation relative à l’utilisation des données de
localisation des véhicules connectés
Rapporteur : M.
Didier Kling
Avec le concours de :
Mme. Margaux Schaeffer, juriste au service de l’économie numérique et du
secteur financier
M. Thomas Moreau, juriste au service des affaires sociales, des collectivités
territoriales, du sport et de l’environnement
M. Vincent Rasneur, anciennement ingénieur expert au service de l’expertise
technologique (désormais responsable de la sécurité des systèmes
d’information à la mission qualité, performance, risques)
M. Benjamin POILVE, ingénieur expert au service de l’expertise technologique
Table des matières
Table des matières .................................................................................. 1 Résumé ................................................................................................... 3 I. Contexte, périmètre et structure du projet de recommandation ........ 4
A.
Données de localisation : enjeux et actions de la CNIL ................................... 4
1. Les enjeux du traitement des données de localisation des véhicules connectés 4
2. Les actions de la CNIL pour se saisir de ces enjeux............................................ 5
B.
Un projet de recommandation, fruit de la concertation avec le secteur .......... 6
C.
Périmètre du projet de recommandation ......................................................... 7
1. Le projet de recommandation va au-delà des précédents travaux de la CNIL et
du CEPD : l’ajout du cas de la location de véhicules connectés ............................. 7
2. Le projet de recommandation vise la chaîne de traitement des données .......... 7
D.
La structure du projet de recommandation ..................................................... 7
II. Nouveautés doctrinales des recommandations ................................. 9
A.
Application de l’article 82 de la loi « informatique et libertés » dans le contexte
du véhicule connecté ................................................................................................... 9
1. . Sur le principe d’applicabilité de l’article 82 de la loi « informatique et
libertés » aux traitements de données de localisation............................................ 9
2.
Sur les conséquences de l’application de l’article 82 de la loi « informatique
et libertés » aux traitements de données de localisation ...................................... 10
B.
L’étendue des obligations du responsable du traitement à l’égard des différents
utilisateurs d’un véhicule connecté ........................................................................... 13
C.
La question de la minimisation et la conservation des données de localisation :
préciser une doctrine consacrée par le Conseil d’Etat .............................................. 15
D.
La base légale des traitements de données à des fins d’optimisation et
d’amélioration des produits et services ..................................................................... 17
1. Le traitement de données à caractère personnel à des fins d’optimisation et
d’amélioration des produits et services va nécessiter le consentement des
personnes .............................................................................................................. 18
2. Le traitement d’anonymisation de données à des fins d’optimisation et
d’amélioration des produits et services .................................................................19
Conclusion ............................................................................................ 21 Liste des annexes .................................................................................. 22
ANNEXE 1 : Projet de recommandation relative à l’utilisation des données de
localisation des véhicules connectés ......................................................................... 22
Résumé
Au regard de l’évolution des modes de transport, qui génèrent une quantité toujours croissante
de données, et des enjeux que les traitements de ces données soulèvent, la CNIL a lancé, en
2023, un « club conformité » dédié aux acteurs du véhicule connecté et de la mobilité.
Ce club conformité, qui a vocation à constituer un lieu d’échanges réguliers avec les acteurs du
secteur, s’inscrit dans la démarche d’accompagnement sectorielle de la CNIL et a vocation à
permettre d’identifier les problématiques juridiques rencontrées par les acteurs et d’y répondre
de manière opérationnelle dans le cadre de l’élaboration de normes de droit souple.
Parmi les données issues des véhicules connectés, la localisation apparait comme étant
particulièrement prisée par la plupart des acteurs de l’écosystème, qu’ils soient constructeurs
de véhicules, fabricants d’équipements, gestionnaire de flottes, réparateurs de véhicules
automobiles, prestataires de services, gestionnaires d’infrastructures routières,
concessionnaires automobiles, etc.
Or, les données de localisation sont considérées comme des données hautement personnelles,
particulièrement intrusives pour la vie privée des personnes, puisqu’elles sont susceptibles de
révéler leurs déplacements, leurs lieux de fréquentation ou encore, leurs centres d’intérêts.
C’est pourquoi, en concertation avec les acteurs du secteur, il a été décidé de consacrer les
premiers travaux du club conformité à
l’élaboration d’un projet de recommandation
relative à l’utilisation des données de localisation, qui est aujourd’hui soumise à
l’adoption du collège.
Le projet de recommandation est donc le fruit des travaux du club conformité dédié aux
véhicules connectés, qui se sont déroulés du début de l’année 2023 à juin 2024. Il sera publié,
prochainement, sur le site de la CNIL pour consultation publique.
Il s’inscrit dans la continuité de la recommandation relative à la mise en œuvre, par les
compagnies d’assurance et les constructeurs automobiles, de dispositifs de localisation
embarqués dans les véhicules adopté par la CNIL en 2010, du pack de conformité « véhicules
connectés » publié par la CNIL en 2017 et des lignes directrices du Comité européen de la
protection des données (CEPD) sur les véhicules connectés et les applications liées à la mobilité
de 2021, qui traitaient plus largement des traitements de données des véhicules connectés. Il
a vocation à préciser les règles applicables en ce qui concerne, plus spécifiquement, les données
de localisation, traitées dans le cadre de la location de véhicules ainsi que dans certains cas
d’usage propriétaires.
Dans la mesure où il apporte des nouvelles précisions concernant le traitement des données de
localisation, le projet de recommandation a vocation à remplacer la recommandation de 2010,
qui devra donc être abrogée.
Les recommandations qui y figurent ont vocation à apporter des clarifications aux acteurs, en
leur fournissant des solutions concrètes, notamment en ce qui concerne certains points sur
lesquels ni la CNIL, ni le CEPD, ne se sont prononcés. Ses points, qui constituent des
nouveautés doctrinales, sont détaillés dans le présent rapport.
La question de l’application de l’article 82 de la loi « informatique et libertés » est le point le
plus attendu par les acteurs - mais aussi celui qui nécessite le plus d’arbitrages, dont les
conséquences ne sont pas neutres.
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I.
Contexte, périmètre et structure du projet de recommandation
A. Données de localisation : enjeux et actions de la CNIL
1. Les enjeux du traitement des données de localisation des véhicules connectés
Les modes de transport (voitures, scooters, vélos, etc.) et leurs utilisateurs génèrent une
quantité toujours croissante de données. Elles peuvent être produites directement par les
équipements et systèmes du véhicule, mais également par des équipements embarqués (le plus
souvent des boîtiers télématiques) ou les appareils connectés du conducteur et des passagers
(téléphone mobile multifonctions, tablette, etc.).
L’exploitation de ces données permet, par exemple, de proposer des services innovants pour
les usagers des transports pouvant permettre des gains de sécurité, une amélioration de
l’expérience du déplacement (info-divertissement, confort, maintenance, etc.) ou encore une
optimisation de l’organisation du déplacement. Dans le même temps, la connectivité des
véhicules implique le recueil de données susceptibles de toucher à la vie privée de l’individu
(déplacements, comportement au volant, etc.).
Leur utilisation pose des questions
structurantes en matière de protection des données à caractère personnel et de
respect des droits et libertés fondamentaux.
Parmi ces données,
la localisation apparait comme étant particulièrement prisée
par la plupart des acteurs de l’écosystème du véhicule connecté, qu’ils soient
constructeurs de véhicules, fabricants d’équipements, gestionnaire de flottes, réparateurs de
véhicules automobiles, prestataires de services, gestionnaires d’infrastructures routières,
concessionnaires automobiles, etc.
Or,
les données de localisation sont considérées comme des données hautement
personnelles 1 , particulièrement intrusives pour la vie privée des personnes,
puisqu’elles sont susceptibles de révéler leurs déplacements, leurs lieux de fréquentation ou
encore, leurs centres d’intérêts.
Tel que souligné par le comité européen de la protection des données (CEPD)2,
l’utilisation
de technologies de localisation appelle la mise en œuvre de garanties spécifiques
afin de prévenir le risque que des personnes soient surveillées et des données exploitées
abusivement.
L’actualité témoigne, d’ailleurs, du besoin de recommandations pour assurer une protection
efficace de ces données. A titre d’exemple, le magazine allemand « Der Spiegel » révélait
récemment dans ses colonnes, une importante fuite de données touchant plus de 800 000
propriétaires de véhicules électriques des marques Volkswagen, Audi, Seat et Skoda qui ont vu
leurs données personnelles exposées sur un serveur Amazon mal configuré (ces informations,
1 Le Comité européen de la protection des données (CEPD) dans ses lignes directrices du 4 octobre 20171, considère
les données de localisation comme étant des «
données à caractère hautement personnel ». Il estime que ces
données sont considérées comme sensibles, au sens commun du terme, dans la mesure où elles ont un impact sur
l’exercice d’un droit fondamental. En effet, la collecte des données de localisation met en cause la liberté de
circulation.
2 Lignes directrices 01/2020 sur le traitement des données à caractère personnel dans le contexte des véhicules
connectés et des applications liées à la mobilité, voir en ce sens le point 45.
4
C. Périmètre du projet de recommandation
1. Le projet de recommandation va au-delà des précédents travaux de la CNIL et
du CEPD : l’ajout du cas de la location de véhicules connectés
Le projet de recommandation a pour objectif de rappeler les règles applicables en matière de
traitement des données de localisation dans le contexte du véhicule connecté et d’émettre des
recommandations concrètes pour s’y conformer.
I
l se concentre sur les données de localisation et couvre, en plus de l’usage
propriétaire du véhicule, la gestion d’une flotte commerciale. Ce dernier cas d’usage
avait été exclu du pack de conformité « véhicules connectés » de 2017 et des lignes directrices
du CEPD sur les véhicules connectés et les applications liées à la mobilité de 2021.
En outre,
le projet de recommandation, dans la continuité des lignes directrices du CEPD,
intègre l’application de la directive 2002/58/CE (dite « ePrivacy ») aux véhicules
connectés contrairement au pack de conformité « véhicules connectés » de 2017 qui n’en
faisait pas mention. En effet, les dispositions ePrivacy étaient, à l’époque, traditionnellement
appliquées aux cookies et autres traceurs » en ligne.
2. Le projet de recommandation vise la chaîne de traitement des données
Le projet de recommandation
s’adresse aux acteurs suivants :
constructeurs ;
gestionnaires de flottes, c’est-à-dire les acteurs privés ou publics, qui proposent des
véhicules (voitures, scooters, cycles, trottinettes etc.) en location courte12 ou en location
longue durée13 à des particuliers ;
fournisseurs d’outils de télématiques, tels que notamment des boîtiers, qui sont
installés sur les véhicules ;
agrégateurs et intégrateurs de données, qui peuvent notamment intervenir
comme intermédiaires entre les constructeurs de véhicules et d’autres acteurs afin
d’organiser la transmission des données liées aux véhicules.
Bien qu’il ne s’adresse pas directement aux particuliers,
le projet de recommandation
contient également des informations utiles pour les usagers des véhicules
connectés (notamment en ce qui concerne leurs droits). Une communication sur le site de la
CNIL pourrait être publiée à leur attention, dans un second temps, sur le site de la CNIL.
D. La structure du projet de recommandation
Le projet se structure en quatre grandes parties :
Recommandations générales sur l’application des principes du RGPD au
traitement des données de localisation du véhicule connecté (partie 3) ;
12 Pour les besoins de la recommandation, la location courte répond à un besoin ponctuel, pour une durée allant de
quelques minutes à plusieurs mois, généralement facturée en fonction de cette durée.
13 Pour les besoins de la recommandation, la location longue s’étale sur une année ou plus, généralement facturée
sous forme de mensualités.
7
II. Nouveautés doctrinales des recommandations
A. Application de l’article 82 de la loi « informatique et libertés » dans le
contexte du véhicule connecté
1. . Sur le principe d’applicabilité de l’article 82 de la loi « informatique et
libertés » aux traitements de données de localisation
Rappel : les critères d’applicabilité de l’article 82 de la loi « informatique
et libertés »
L’article 82 de la loi « informatique et libertés » transpose l’article 5, paragraphe 3 de la
directive ePrivacy » en droit national.
Conformément à l’’article 82 de la loi, lu à la lumière de l’article 5.3 de la directive
, le
stockage d'informations ou l'obtention d'un accès à des informations stockées
dans l'équipement terminal d'un abonné ou d'un utilisateur n'est, en principe,
autorisé que sous réserve du consentement. Selon les lignes directrices 1/2020 du
CEPD concernant les véhicules connectés, le consentement doit généralement être la base
légale des traitements mis en œuvre à partir des données récupérées via ces opérations (aussi
appelés les « traitements subséquents »).
Par exception, le consentement n’est pas requis si :
l’accès aux données a pour finalité exclusive de permettre ou faciliter la communication
par voie électronique ;
l’accès aux données est strictement nécessaire à la fourniture d'un
service
expressément demandé par l'utilisateur.
Dans ces hypothèses, une autre des bases légales prévues par l’article 6 (1) du RGPD peut être
mobilisée pour les traitements.
L’article 82 de la loi « informatique et libertés » s’applique aux véhicules
connectés
Ces dispositions sont applicables dès lors que :
les opérations effectuées
portent sur des « informations » (qui peuvent être, mais
pas exclusivement, des données personnelles). Les données de localisation constituent
des « informations » relatives à la localisation d’un objet ou d’une personne.
les opérations effectuées
concernent un « équipement terminal » 15
d'un
abonné ou d'un utilisateur qui, pour être qualifié de la sorte, doit avoir la capacité
15 La directive 2008/63/Ce de la Commission du 20 juin 2008 relative à la concurrence dans les marchés des
équipements terminaux de télécommunications définit la notion de terminal à son article 1er : «
tout équipement
qui est connecté directement ou indirectement à l’interface d'un réseau public de télécommunications pour
transmettre, traiter ou recevoir des informations; dans les deux cas, direct ou indirect, la connexion peut être
établie par fil, fibre optique ou voie électromagnétique; une connexion est indirecte si un appareil est interposé
entre l’équipement terminal et l’interface du réseau public ». Voir également les lignes directrices 2/2023 sur le
champ d’application technique de l’article 5(3) de la directive ePrivacy (paragraphes 13 et suivants).
9
C. La question de la minimisation et la conservation des données de
localisation : préciser une doctrine consacrée par le Conseil d’Etat
Le pack conformité « véhicules connectés » de 2017 recommande «
l’activation de la
localisation uniquement lorsque l’usager lance une fonctionnalité qui nécessite de connaître
la localisation du véhicule, et non par défaut et en continu au démarrage de la voiture »
(p.25). Il précise, en ce qui concerne plus particulièrement la finalité de lutte contre le vol, que
«
les données de localisation ne peuvent être remontées qu’à partir de la déclaration de vol et
ne sauraient être collectées en continu le reste du temps » (p.26).
Cette doctrine, portée au niveau européen dans les
lignes directrices 1/2020 du CEPD, a
fait l’objet d’une application concrète par la formation restreinte de la CNIL concernant deux
gestionnaires de flotte :
• la
société UBEEQO INTERNATIONAL (location de véhicules en autopartage à des
clients particuliers et à des clients professionnels), sanctionnée le 7 juillet 202223 ;
• la
société CITYSCOOT (location de scooters en libre-service), sanctionnée le 16 mars
202324.
Ces acteurs collectaient en effet des données de localisation des véhicules loués, notamment
pour la prévention et la lutte contre le vol, de manière très rapprochée et conservaient
l’intégralité de ces données.
La formation restreinte a retenu plusieurs manquements, notamment au regard du principe
de minimisation25, en considérant que :
• Le traitement de données de localisation doit être rendu nécessaire à la finalité de lutte
contre le vol par
un fait générateur tel qu’une déclaration de vol ou le
signalement d’une suspicion de vol. Ces données ne peuvent pas être considérées
comme strictement nécessaires à la poursuite de cette finalité avant tout fait générateur
prohibant une collecte en permanence ou de manière très rapprochée26 ;
• Cette finalité ne justifie pas
la collecte de données de localisation tous les 500
mètres au cours de la location du véhicule27 ou toutes les 3o secondes au
cours de la location du scooter28 ;
•
Les sociétés n’auraient pas dû conserver un historique des données de
géolocalisation, c’est-à-dire de l’ensemble des trajets des utilisateurs.
23
Délibération SAN-2022-015 du 7 juillet 2022. Disponible ici :
https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000046070924?init=true&page=1&query=%2A&s
earchField=ALL&tab selection=cnil
24
Délibération SAN-2023-003 du 16 mars 2023. Disponible ici :
https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000047346903?isSuggest=true.
25 L’article 5, paragraphe 1, c) du RGPD prévoit que les données à caractère personnel doivent être
«
adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles
sont traitées (minimisation des données) ».
26 Paragraphe 48 de la délibération SAN-2022-015 et paragraphe 49 de la délibération SAN-2023-003.
27
Délibération SAN-2022-015 du 7 juillet 2022, disponible ici :
https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000046070924.
28
Délibération SAN-2023-003 du 16 mars 2023, disponible ici :
https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000047346903?isSuggest=true
15
Conclusion
La recommandation est un outil de droit souple attendu par les acteurs du secteur, dès lors
qu’elle vise à apporter des clarifications sur les traitements de données de localisation, qui
n’ont pas été abordés en détail par les précédents instruments (pack conformité de la CNIL de
2017 et lignes directrices du CEPD de 2021).
A ce titre, des précisions sont en effet nécessaires au regard notamment des difficultés
identifiées par les acteurs concernant l’application de l’article 82 de la loi « informatique et
libertés », l’étendue des obligations du responsable du traitement, des données pouvant être
collectées et des durées pendant lesquelles elles peuvent être conservées.
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Liste des annexes
ANNEXE 1 : Projet de recommandation relative à l’utilisation des données de
localisation des véhicules connectés
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